Devrait-on remplacer la démocratie parlementaire par la cyberdémocratie, bannir les armes à feu pour tout le monde et instituer une langue unique dans les Amériques?
Voilà trois questions sur lesquelles une centaine de jeunes âgés de 19 à 35 ans et venus des 4 coins du continent américain eurent l’occasion de réfléchir et de débattre en français lors du tout premier Parlement francophone des jeunes des Amériques, une simulation parlementaire qui prit place du 5 au 10 août derniers au sein même de la chambre des députés du parlement ontarien.
Nos politiciens en herbe testèrent non seulement leur capacité à débattre en chambre sur des questions de société, mais purent également approfondir leurs connaissances sur les grands enjeux sociaux auxquels font face les Amériques en assistant à des ateliers et à des conférences. Cette simulation parlementaire était organisée par le Centre de la francophonie des Amériques (CFA) en collaboration avec l’Assemblée parlementaire de la Francophonie.
Prendre place dans les magnifiques sièges de l’Assemblée législative de l’Ontario ne suffisait évidemment pas, il fallut tout d’abord apprendre le fonctionnement du débat parlementaire. Savoir comment s’adresser à la présidente, ne pas oublier de faire la courbette quand on quitte la salle et enfin rester courtois vis-à-vis du parti adverse. Le premier ministre faillit même s’attirer les foudres de la présidente quand il employa le mot « torchon » pour désigner un document.
« Étant donné que cette première édition se déroulait en Ontario, nous avons donc choisi de suivre la tradition parlementaire britannique », explique Denis Desgagné, le président-directeur général du CFA.
Certains participants furent divisés en trois partis politiques, tandis que d’autres se virent assigner le rôle de journaliste parlementaire ou de participant citoyen. Des spécialistes dans chacun des trois domaines se chargèrent de former les jeunes pour qu’ils puissent assumer pleinement leur rôle. Les jeunes eurent également l’occasion d’assister à des conférences sur des thèmes variés tels que la démocratie au XXIe siècle, l’éthique dans la gouvernance et l’égalité hommes-femmes.
Le parti au pouvoir dut bien évidemment tempérer leur ardeur à vouloir faire passer les trois projets de loi tels quels. Lors de réunions en commission, leurs adversaires firent aussi valoir leur point de vue et soumirent des amendements. On devrait tout de même permettre à l’armée et à la police de porter des armes. La cyberdémocratie finirait par exclure ceux qui n’ont pas accès à l’Internet. Ne s’agit-il pas en fin de compte que d’une « cyber utopie », comme le faisait remarquer en chambre un député du Honduras. Choisir une seule et unique langue pour les Amériques ne reviendrait-il pas à une forme de fascisme? Le groupe des participants citoyens fit aussi entendre sa voix en organisant une conférence de presse. Ils estimaient que les parlementaires devraient désormais voter selon leur conscience et non suivre les instructions des chefs de partis.
C’est peut-être plus le fond que la forme que les jeunes semblèrent retenir de leur expérience.
« Je me suis rendu compte qu’il y a des parties du Canada où il y a moins de francophones que chez moi en Louisiane, mais ils jouissent cependant de plus de pouvoir politique », notait Nathan Rabalais, un jeune Franco-Américain qui est d’habitude plus intéressé par la musique que la politique. Lidia O’Shields, une jeune Russe établie aux États-Unis depuis cinq ans, s’est rendu compte qu’on a le pouvoir de changer les choses si on le désire. Pour Carlos Ramos, un jeune francophile de Porto Rico, c’est l’esprit de solidarité entre jeunes francophones vivant en milieu minoritaire qu’il retiendra.
Sophie Houle-Drapeau, une jeune femme originaire de la ville de Québec, sait désormais comment éviter lors d’une entrevue qu’un politicien ou une politicienne lui récite son discours tout préparé. Plus question pour elle qu’on lui « mette la cassette » pour employer un jargon journalistique. Elle se sent aussi maintenant bien préparée pour les affronter lors des véritables mêlées que sont les points de presse à la sortie de la période des questions. Falonne Shimba, une jeune Torontoise et membre du parti au pouvoir, a pris conscience qu’il faut respecter un juste équilibre en politique, qu’il faut essayer de tenir compte des besoins de tous, même s’il est impossible de contenter 100 % de la population.
Une belle leçon de démocratie qui incitera peut-être certains à s’engager dans le débat politique une fois rentrés chez eux.
Pour plus de renseignements au sujet du Parlement francophone des jeunes des Amériques : www.francophoniedesameriques.com/parlement/.
Photo : Des participants au Parlement