Alexia Grousson
Chaque automne, les Canadiens prennent un moment pour ralentir, se retrouver en famille et exprimer leur gratitude. Si le long week-end de l’Action de grâce évoque souvent dinde rôtie, tarte à la citrouille et feuilles dorées, cette tradition puise ses racines bien plus loin que l’image d’un simple repas festif. À la croisée des cultures autochtones, européennes et nord-américaines, l’Action de grâce canadienne reflète une riche histoire de reconnaissance, de survie et de partage.
Bien avant l’arrivée des Européens, les Premières Nations du territoire, qu’on appelle aujourd’hui le Canada, organisaient déjà des cérémonies pour remercier la nature. Selon les nations, cela prenait la forme de festins, de chants, de danses, ou encore du potlatch, une cérémonie de dons et de redistribution, pour honorer les récoltes, les chasses réussies ou tout simplement la survie après l’hiver.
La première célébration officiellement reconnue de l’Action de grâce au Canada remonte à 1578, dans ce qui est aujourd’hui le Nunavut. L’explorateur anglais Martin Frobisher et son équipage organisèrent un repas pour remercier Dieu de les avoir menés à bon port après une traversée périlleuse. Cette cérémonie, souvent considérée comme la première Action de grâce canadienne, précède de plus de 40 ans celle des pèlerins américains à Plymouth.
Si les colons français ont, eux aussi, tenu des repas de remerciement pour les récoltes en s’inspirant des traditions autochtones, ce sont les Loyalistes britanniques fuyant la Révolution américaine qui ont véritablement contribué à ancrer cette célébration dans la culture canadienne. Ils apportèrent avec eux des plats comme la dinde, la courge ou la tarte à la citrouille, désormais incontournables lors du repas de l’Action de grâce.
En 1957, le gouvernement canadien a fixé officiellement la date de l’Action de grâce au deuxième lundi d’octobre, afin de souligner « les bénédictions de l’année écoulée ». Si cette fête a perdu son caractère religieux dans la majorité des foyers, elle reste un moment central de l’automne : un temps pour se rassembler, partager un bon repas et réfléchir à ce que l’on a reçu.
Contrairement aux États-Unis, où la fête est très commerciale et ancrée dans une forte tradition nationale, la version canadienne est plus sobre, moins médiatisée, et axée sur la simplicité : un week-end en famille, des promenades en nature, et des assiettes remplies de produits locaux.
Une célébration mondiale sous différentes formes
Bien que l’Action de grâce soit une fête typiquement nord-américaine, d’autres pays ont développé leurs propres traditions autour de la gratitude. Le Liberia célèbre un Thanksgiving en novembre, en mémoire de sa fondation par d’anciens esclaves afro-américains. En Europe, des pays comme l’Allemagne, l’Autriche ou la Suisse organisent l’Erntedankfest, une fête des récoltes marquée par des processions et des services religieux.
En Asie, la Chine célèbre le festival de la mi-automne autour de la pleine lune, avec des danses traditionnelles, des lanternes et les fameux « mooncakes ». Quant à la Grenade, elle a adopté sa propre version de Thanksgiving pour commémorer le rétablissement de l’ordre après une période de troubles politiques en 1983.
Quelle que soit sa forme ou son origine, l’Action de grâce reste avant tout un temps de reconnaissance. Dans un monde où les rythmes de vie sont toujours plus effrénés, s’arrêter un instant pour dire « merci » à la vie, à la nature, ou aux autres, est un geste universel et profondément humain.
Photo (pexels.com) : Incontournable sur les tables de l’Action de grâce, la dinde rôtie s’impose comme le plat favori des Canadiens.