Le Commissariat aux services en français rendait public, le mercredi 11 avril, un rapport intitulé Une directive sans direction : les défis des placements publicitaires dans les médias francophones de l’Ontario. Le document s’attarde aux failles dans les placements de publicités des ministères et organismes gouvernementaux. En effet, malgré l’adoption, en 2011, de la Directive sur les communications en français, censée offrir un cadre réglementaire aux communications du gouvernement, et l’importance reconnue par tous de soutenir les médias en milieu minoritaire, le Commissariat se voit forcé de constater qu’il existe encore de nombreuses lacunes en matière d’équité linguistique.

Il cite en exemple des plaintes reçues concernant des campagnes publicitaires uniquement en anglais faites par Metrolinx, la Régie des alcools (LCBO), le Centre des sciences et la Société des loteries et des jeux (OLG). Il ne s’agit là que de quelques exemples et, sans avancer de chiffres, le Commissariat parle d’« omissions systémiques » dans le bilinguisme qui devrait normalement prévaloir dans les communications gouvernementales.

Bien que s’y étant montré favorable lorsqu’elle fut émise, le Commissariat dresse aujourd’hui un bilan mitigé de la Directive de 2011. L’expérience a démontré que son efficacité est minée par l’absence d’un mécanisme de reddition de comptes doublée d’un manque de sensibilisation des responsables des campagnes publicitaires de l’État à la réalité des francophones. C’est pourquoi le Commissariat fait six recommandations destinées à corriger la situation.

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La nécessité d’obliger les acteurs concernés à rendre des comptes constitue la première de ces recommandations. Il s’agirait alors de vérifier la conformité des gestes posés aux exigences législatives et la prise en compte des besoins des francophones dans l’élaboration des plans de communication et de placement publicitaire.

La deuxième recommandation propose de bonifier aussitôt que possible la Directive sur les communications en français et la troisième enjoint le secrétaire du Conseil des ministres et greffier du Conseil exécutif de publier un rapport annuel sur le taux de conformité à ce nouveau règlement. La quatrième demande à ce même secrétaire de développer un nouveau modèle de planification des campagnes publicitaires qui prenne en compte les obligations liées à la Loi sur les services en français, les exigences linguistiques consignées dans la Directive sur le contenu publicitaire et ce qui sera stipulé dans le nouveau règlement.

La cinquième recommandation demande au gouvernement d’offrir des formations aux fonctionnaires et aux employés des agences publicitaires afin de leur faire connaître les besoins des Franco-Ontariens en matière de communication et la législation s’y rapportant.

En préambule de sa sixième recommandation, le Commissariat met en évidence la situation précaire des médias francophones en Ontario et leur importance culturelle : « Les médias des communautés linguistiques en milieu minoritaire sont un élément essentiel de la survie de la communauté elle-même. Ils demeurent les garants de la diffusion de l’information qui contribue à la vitalité de la communauté. Pour les francophones, ils sont aussi un outil de construction identitaire. Les médias francophones doivent désormais composer avec une importante réduction de fonds, en partie causée par l’absence de publicités gouvernementales. Ces manquements répétés à la Loi sur les services en français lors de placements publicitaires privent les médias francophones de l’Ontario de fonds nécessaires à leur survie ».

C’est pourquoi le Commissariat recommande au ministère des Affaires francophones de se doter d’un comité consultatif chargé d’élaborer une stratégie gouvernementale ayant pour but d’assurer la pérennité des médias francophones, entre autres par l’établissement d’un fonds de soutien.

Fait intéressant à noter, le rapport ne concentre pas uniquement son attention sur les journaux et les radios communautaires mais aussi sur les médias du web. En effet, il appert que les placements publicitaires de l’État sur internet représentent désormais 28 % de l’ensemble de ceux-ci. Selon les experts consultés par le Commissariat, pour la période 2015-2016, les dépenses du gouvernement ontarien consacrées à la présence sur le web s’élevaient à 11,7 millions $, soit presque le double du montant investi dans les médias imprimés. Cependant, ces investissements tombent en grande partie dans la poche de services de marketing par moteur de recherche comme Google Adwords plutôt que dans celle des médias locaux. Afin de préparer l’avenir, le rapport demande au gouvernement de porter attention à ce problème et la sixième recommandation convie également Queen’s Park  à épauler les médias dans leur transition vers le numérique.

Le Commissariat aux services en français produit régulièrement des rapports sur divers sujets d’actualité. Les déboires des médias généralistes, et encore plus ceux de la presse écrite, est une question qui en préoccupe plus d’un et qui s’invitera peut-être dans la prochaine campagne électorale.